BVA_NUDGE_2018
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survient lorsque les agents les mieux informés ne savent pas faire abstraction de leurs propres connaissances. Ce biais peut se manifester dans de nombreux domaines de la vie économique tels que la fixation des prix ou l’estimation de la productivité. Concernant ce dernier point, une étude a révélé que les experts sous-estiment systématiquement le temps nécessaire à des novices pour la réalisation d’une tâche ( Hinds, 1999 ). Un petit jeu musical permet de mettre en évidence de façon ludique cette malédiction du savoir. Dans ce jeu, un « rythmeur » choisit une chanson simple et populaire, comme « joyeux anniversaire », et joue la mélodie en tapotant sur une table. Les autres participants qui écoutent essaient alors de deviner le titre de la chanson. Dans l’une des toutes premières expériences, les rythmeurs pensaient que les autres participants reconnaîtraient 50 % des chansons, alors que leur taux de réussite fut de 2,5 % ( Newton, 1990 ). Malédiction du vainqueur (Winner’s curse) La malédiction du vainqueur décrit le phénomène selon lequel la proposition gagnante d’une enchère a tendance à excéder la valeur réelle (et incertaine pour les enchérisseurs) du bien concerné ; le vainqueur se retrouve donc à payer ce bien trop cher. L’émotion, les biais cognitifs et une information incomplète semblent expliquer ce comportement qui peut, dans les cas les plus extrêmes, engendrer une bulle sur les marchés boursier ou de l’immobilier. Dans son texte fondateur, Anomalies: The Winner’s Curse , Richard Thaler (1988) explique que s’il devait proposer à ses étudiants une vente aux enchères pour un pot de pièces, (1) l’offre moyenne serait nettement inférieure à la valeur réelle des pièces (les enchérisseurs démontrent une aversion au risque) et (2) l’offre gagnante serait plus élevée que la valeur du pot (même si celle-ci était surcotée). Cela va à l’encontre de l’idée selon laquelle tous les enchérisseurs agiraient de façon rationnelle. En théorie, si une information parfaite était accessible pour tous les participants, et s’ils agissaient tous de façon totalement rationnelle dans leur prise de décision et étaient compétents en matière d’évaluation, aucun d’entre eux ne paierait trop cher. Pourtant, la malédiction du vainqueur, écart tenace et persistant par rapport aux prédictions théoriques établies par l’économie expérimentale, reflète plutôt bien l’idée de rationalité limitée puisque les individus ont du mal à suivre un raisonnement circonstanciel au regard d’événements futurs ( Charness et Levin, 2009 ) (cf. choix intertemporel ). Il n’est donc pas étonnant d’apprendre que, lors d’une démonstration expérimentale de la malédiction du vainqueur, le degré d’incertitude concernant la valeur du bien et le nombre d’enchérisseurs présents ont été identifiés comme deux facteurs qui affectent l’incidence et l’ampleur de cette malédiction ( Bazerman et Samuelson, 1983 ). Une expérience visant à contourner la malédiction du vainqueur a mis en lumière deux facteurs qui contribuent à sa persistance : la variabilité de l’environnement, qui induit un retour d’informations ambigu (autrement dit les choix et les résultats
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223 Guide de l'Économie Comportementale - 2018
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