BVA_NUDGE_2018
Éditorial
les droits de visite, de sorte que les participants percevaient un remboursement à chaque fois qu’ils se présentaient à leur rendez-vous préventif bi-mensuel à un camp de remise en forme. Le groupe de contrôle payait au contraire une option de soins préventifs fondée sur le principe de la rémunération à l’acte. Les modalités de l’expérience ont permis aux auteurs de comprendre les différents types d’agents constituant la population de leur échantillon. Parmi les agents qui se voyaient proposer un contrat d’engagement, 38 % en demandaient un. Mais seulement 13,7 % des personnes sollicitées se sont rendues au moins une fois à un camp de remise en forme dans le cadre d’un contrat d’engagement, un taux légèrement inférieur à celui des agents qui s’étaient vu proposer une remise de 50 % pour se rendre aux camps de remise en forme, mais sans engagement (14,5 %). Entre 62 % et 77 % des agents ayant payé pour un contrat d’engagement ne sont pas rendus une seule fois à un camp de remise en forme. On peut raisonnablement penser que cela montre que les contrats d’engagement ont détérioré le bien-être d’une part substantielle des individus de l’échantillon. Par ailleurs, les participants ont semblé avoir une compréhension suffisamment bonne du biais du temps présent qui leur pose problème pour demander un système d’engagement, mais, en fin de compte, le coût était trop faible pour que cela les ait poussés à ne plus procrastiner. Bail et al. ont constaté qu’une grande partie des individus ayant souscrit un contrat d’engagement étaient en fait partiellement naïfs sur leur problème d’inconstance et qu’ils avaient tendance à rationaliser l’écart considérable entre la souscription d’un contrat et l’utilisation préventive de soins de santé. Compte tenu du degré de naïveté des participants vis-à-vis du biais du temps présent présumé parmi cette population, les simulations impliquent qu’une hausse (marginale) des frais d’engagement initiaux provoquerait une perte de bien-être encore plus grande chez les consommateurs. Ces travaux montrent que les planificateurs sociaux et les entreprises ont tout intérêt à comprendre les types d’agents représentatifs des populations qu’ils ciblent avant d’utiliser des dispositifs d’engagement susceptibles de réduire le bien-être d’un sous-groupe de consommateurs dans le marché. Inciter les gens à souscrire des contrats d’engagement est la première étape de toute évaluation. La seconde est de savoir si ces contrats améliorent le bien-être des gens qui les souscrivent. Ce ciblage renvoie à des débats antérieurs ( Samson, 2016, 2017 ) sur les conditions-cadres des divers nudges et, du fait des différences de préférences et de biais, l’économie comportementale s’éloigne d’une approche unique au profit d’interventions ciblées visant à modifier les comportements. Fait intéressant, l’engagement préalable est également lié à d’autres phénomènes comportementaux. Dans un article intéressant, Imas et al. (2016) ont constaté que les contrats reposant sur le concept d’aversion à la perte et l’engagement préalable interagissent. Dans le cadre de leurs expériences, ils ont constaté que les gens travaillaient plus dur lorsqu’ils souscrivaient un contrat prévoyant la perte, en cas de mauvaise performance, d’un bonus acquis en amont, que lorsqu’ils souscrivaient un contrat prévoyant le versement d’un bonus en cas de bonne performance, préférant donc les premiers aux seconds. Le mécanisme sous-jacent qui explique cette préférence pour la perte éventuelle par rapport au gain potentiel est que
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31 Guide de l'Économie Comportementale - 2018
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