BVA_NUDGE_2018

Éditorial

des universitaires permet aux lecteurs de mieux identifier et exprimer l’intérêt qu’ils manifestent pour ces domaines. Cela vaut pour le niveau de langue qu’il convient d’utiliser. Je recommande d’utiliser un niveau de langue typique des magazines les plus lus, comme Time Magazine , ou, mieux encore, un niveau de langue similaire à celui des revues qui se sentent investies d’une mission de vulgarisation des sciences comportementales auprès du grand public, à l’instar de Discover, Psychology Today et Scientific American MIND . Ensuite, lorsque l’on écrit pour un public non-universitaire, il ne faut pas le faire depuis son bureau à l’université, lequel fourmille de signaux qui vous inciteront à privilégier un vocable, des structures grammaticales et une façon de présenter l’information qui ne conviendront qu’à un public averti. Lorsque j’ai commencé à écrire mon premier livre grand public, je travaillais dans deux bureaux différents : celui à l’université et celui à domicile, dont l’une des fenêtres surplombe une rue piétonne. Le fait d’écrire dans deux endroits différents a eu un effet totalement imprévu, que je n’ai remarqué qu’au bout d’un mois, lorsque j’ai rassemblé toutes les pages préliminaires du projet et les ai lues d’une traite : les pages écrites chez moi étaient nettement meilleures que celles rédigées à l’université, car elles étaient sensiblement plus adaptées au public que je visais. En effet, que ce soit au niveau du style ou de la structure, les pages rédigées sur le campus ne pouvaient parler qu’à mes collègues. Surpris, je me suis demandé comment, malgré une vision claire de mon marché cible, je n’arrivais pas à m’adresser à ce dernier de façon adaptée depuis mon bureau à l’université. Ce n’est qu’avec le recul que la réponse m’est apparue, évidente. À chaque fois que je levais ou tournais la tête, je voyais mon bureau et des indices contextuels liés aumonde universitaire et à sa terminologie, sa diction et sonmode de communication. Peu importe ce que je savais (au fond de moi) sur les caractéristiques et les préférences de mon lectorat cible, rien dans mon environnement ne m’incitait à penser systématiquement et automatiquement à ces individus lorsque j’écrivais. Chez moi, dans mon bureau personnel dont la fenêtre donne sur le monde extérieur, les signaux contextuels étaient tout autres et convenaient parfaitement à la tâche. Le contexte m’invitait à faire des associations avec les lecteurs que je ciblais, ce qui m’a permis de bien mieux entrer en harmonie avec eux. Lorsque j’ai changé de lieu, j’ai réécrit la première phrase de mon livre Influence et manipulation . La version initiale « Ma sous-discipline académique, la psychologie sociale expérimentale, a comme principale domaine d’étude le processus d’influence sociale » est alors devenue « Je l’admets volontiers maintenant, j’ai été un faible d’esprit toute ma vie. » L’amélioration me semble évidente. Enfin, au moment de structurer votre argumentaire pour un public non averti, il faut faire attention à ne pas se laisser avoir par un effet de consensus trompeur, en vertu duquel les gens partent du principe que leur auditoire ou lectorat partagent leurs opinions ( Rosse, Greene et House, 1977 ). Il nous faut donc éviter l’erreur qui nous pousse à penser que le grand public montrera le même enthousiasme que nous pour les questions. La vérité c’est que, en tant que professionnels, nous sommes les seuls à penser ainsi. La majeure partie du commun des mortels s’intéresse essentiellement aux réponses. Les questions sans réponse qui nous fascinent, nous

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21 Guide de l'Économie Comportementale - 2018

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